15/11/2017
Il était une fois , le jeudi, les trois M.
En préparant ma classe du jeudi, bien sûr je pense à mes trois M., ces trois élèves dont le prénom commence par un M.
M, l'autiste.
M, le précoce.
M, le cas psy.
Rien de péjoratif dans la nomination je vous le jure, on dirait pas mais il y a beaucoup d'humour bien placé et beaucoup d'affection.
Donc M, l'autiste, aidé de son AVS, est plutôt gérable mais a quand même des comportements totalement extra-ordinaires et perturbants. Il est plutôt performant scolairement mais parle tout le temps à voix haute, se déconcentre et déconcentre les autres, est très nombriliste même si intéressant mais il est mal dans sa peau et a des réflexions sur sa vie très perturbantes je trouve.
M, le précoce est très très mal dans sa peau, a une sensibilité à fleur de peau justement, n'est pas compris par le maitre titulaire de la classe et difficilement par sa famille. Pour les autres élèves c'est tout simplement un extra-terrestre. Pour moi, c'est un précoce de haut niveau, en profonde difficulté affective et sociale. Il pique des crises assez destabilisantes même si moins fréquentes avec moi qui l'ai désormais depuis plus d'un an en classe le jeudi.( depuis un an, grâce à mon intervention, il a eu un suivi psy et ergothérapeute mais cette prise en charge arrivant tard, les progrès vont être lents et le bien être difficile à retrouver)
M, le cas psy, ouh là c'est du lourd. C'est celui qui ne se trouve aucune qualité quand je fais le travail de l'arbre des qualités, vous vous souvenez ? Alors lui, une situation de vie très complexe avec je le pense de la maltraitance psychologique et physique de la part de la mère ( je l'ai rencontrée, un cas de chez cas). Cet enfant très intelligent est hyper agressif, se rend intéressant en ne faisant pas son travail ( quoiqu'avec moi cela a vraiment progressé), en étant très désagréable en classe et avec ses camarades. Il est très très mal dans sa peau de jeune garçon de 11 ans.
Est-ce utile de préciser que M, le précoce et M le cas psy ne peuvent pas se supporter, ils se battent régulièrement verbalement ( avec des moqueries très sévères), physiquement ( impossible qu'il soit à côté dans un rang sans que cela ne finisse en pugilat, je vous laisse imaginer les déplacements), bref ils ne s'aiment pas.
M, le précoce ne supporte pas non plus l'attitude de M l'autiste car bien évidemment ses remarques l'énervent au plus haut point, cela lui est véritablement insupportable. M l'autiste provoque sans arrêt les deux autres M car il a bien compris qu'au final ils avaient tous les trois un autre point commun que la première lettre de leur prénom : attirer l'attention ou plutôt être aimé pour ce qu'ils sont.
Raconté comme cela, même moi, je trouve cela presque drôle et tellement riche de vivre ce quotidien de classe avec ces élèves.
Juste que c'est épuisant de faire régner respect / entraide / solidarité / motivation au travail.
Chaque jeudi, je pars sur un ring et je fais tout pour que personne n'en ressorte KO moi y compris !
Et le pire ( ou le meilleur) c'est que j'y arrive !!!
L'AVS m'a encore dit jeudi dernier qu'elle n'en revient pas de ce que je fais avec eux le jeudi, calme dans la classe ( alors que la veille M le précoce s'est battu en classe avec M le cas psy), mise au travail sans broncher, efficacité dans le travail, intérêt des élèves.
C'est vrai que jeudi dernier...
M l'autiste a super bossé et se passionne pour mon rallye lecture des livres "Monsieur, madame".
M le précoce a été plutôt calme et s'est passionné pour un travail complexe de construction géométrique, il voulait me montrer qu'il pouvait et résoudre la situation proposée et la réaliser avec soin ( ce qui est difficile pour lui) et ce qu'il a réussi parfaitement !
M le cas psy a fait tout le taf de la journée et a terminé sa dite journée par " maitresse, je suis très content de ma journée" Que lui répondre à part "moi aussi M, franchement on continue ?"
Alors bien sûr tout cela nécessite de ne jamais baisser la garde et franchement cela m'épuise dans tous les sens du terme.
En chorale, mes trois M sont impliqués, ils aiment chanter mais pour eux la discipline que cela impose est juste inhumaine....et je vous assure que ce n'est pas simple à gérer....déjà il faut les placer aux opposés et trouver trois places opposées par définition, ce n'est pas simple !
Mes trois M sont enthousiastes à tout ce que je propose de scolaire ( car je cadre à fond et les félicite quand ils respectent) et de moins scolaire comme la musique, les arts et le sport mais dans ces trois domaines, triple épuisement pour moi !!!!!
Mes trois M, je pense à eux dès que je me lève le jeudi matin.
Je suis heureuse de ne pas les voir durant une semaine.
Ils me font suer au sens propre et figuré mais je ne peux faire autrement que d'admettre que je les aime bien et que je voudrais faire plus pour eux.
Mais je prends du recul et me dis que déjà le jeudi, je leur donne pas mal d'énergie mentale et physique et que je ne veux pas me laisser prendre par l'affectif et à vouloir les sauver de tout.
Je fais de mon mieux.
Demain, je commence un cycle badminton dans le gymnase du village, cycle que j'anime seule ( du coup avec l'AVS en accompagnatrice) avec mes 23 CE2-CM2 + les 4 CM1 de la collègue ( plus on est de fous...). L'an passé, les coups de raquette ont régulièrement eu lieu entre M le précoce et M le cas psy dont quelquefois assez violemment....On va voir si les progrès que je note en classe vont se vérifier sur le terrain de sport...
Ils ont super envie d'y aller ! La semaine passée, ils n'ont pas arrêté de me le dire !
Et moi....de me dire...mais dans quelle galère me suis-je encore mise ????????????
Il était une fois trois M et une maitresse encore motivée, quand même !
16:51 | Lien permanent | Commentaires (3)
11/11/2017
La petite boule au ventre.
Après de vraies belles vacances, de bons moments de couple, de famille et entre amis, il a bien fallu retrouver le chemin de l'école.
J'écris volontairement école et non travail car il me semble que la petite boule au ventre vient du mot école et non travail.
Cette petite boule, à chaque reprise, elle est là, avec cette impression qu'on ne saura plus faire la classe et puis on finit toujours par s'apercevoir que c'est comme le vélo hein !
Mais...la petite boule devient plus grande....
- quand on a conscience de ne pas avoir assez travaillé l'école et ses cours durant les vacances, qu'on n'a pas assez anticipé ses préparations, ses programmations ( et oui cela reste sans doute une énigme pour celles et ceux qui ne travaillent pas dans une école mais arriver devant les élèves sans préparation c'est un calvaire)
- quand, vraiment de vraiment, on cherche dans son coeur un peu d'affectif pour les élèves qu'on va retrouver mais non, vilain coeur de pierre, rien ne vient m'émouvoir quand je relis les prénoms de mes élèves...
- quand toutes les nuits de cette première semaine de reprise, des insomnies du 4h-6h30 du mat viennent te rappeler que tu n'es pas au point et que tu te répètes le déroulement de ton planning de cours en essayant de l'améliorer...dans ton lit !
- quand sur le trajet, tu as très envie de faire demi-tour mais pour aller où ?
- quand tu désactives l'alarme de l'école parce que bien sûr, comme tu n'as pas assez bossé et que tu es réveillée depuis 4h du mat, tu arrives la première pour te mettre à fond dans la préparation de ta journée.
- quand les premiers cris des élèves arrivent à tes oreilles...
- quand dans la journée, tu jongles entre les cours doubles, les élèves en difficultés ( et vraiment ceux-là me démoralisent de plus en plus...dans ma classe du mardi en CP, 8 élèves sont en...néant total, tu ressors de ta journée en te demandant ce que tu peux y faire...), les séances physiques de chorale, la discipline à faire régner encore et toujours, les corrections à gogo car dans tes cours doubles, tu fais à fond bosser ceux avec qui tu n'es pas en leçon...
Bon vous avez compris...la petite boule grossit...et il reste 6 semaines de classe avant les prochaines vacances. ( oh la vilaine prof qui compte les jours et qui attend ses vacances !)
En parallèle, je reprends peu à peu le projet de reconversion et pour cela je sais que je dois garder la pêche et faire partir la petite boule qui prend de l'énergie mentale.
En parallèle, il y a tout le bonheur familial qui apporte tant et qui écrase souvent la petite boule.
Il y a aussi l'ensemble des élèves de Rouvres qui chantent dignement bien et qui sont à fond dans le projet cinéma : ce lundi, les CE2-CM1-CM2 m'ont chanté "le tourbillon de la vie" en entier alors que nous ne l'avions fait que deux fois...ils sont épatants, ils adorent les chants proposés sur le thème du cinéma et franchement le lundi après-midi, la boule disparait malgré la fatigue de mener la chorale.
Mais voilà, vraiment, je crois que j'en ai marre d'être devant des élèves, c'est aussi simple que cela.
Et pourtant, je crois que quasiment aucun de mes collègues ne soupçonne cette petite boule...
10:52 | Lien permanent | Commentaires (2)
22/10/2017
Chut...
Chut, ce sont les vacances scolaires.
Et donc moins de bruits, de cris, de bousculades, de disputes, de braillements, de conflits, de paroles d'enfants !
Ah...quelle saveur ce chut... c'est calme.
Je n'en peux plus des décibels liés à l'école.
Plus de chants non plus et donc plus de bruit même chanté.
Chut je me cache, j'écoute mon silence intérieur et extérieur, j'écoute le calme.
De mardi à samedi, nous partons à deux dans la région du Gard vers Uzès, à La roque sur Cèze précisément, choix d'un gite de campagne très calme, écoute de soi et de l'amoureux, écoute des livres emmenés, écoute des cascades et des randonnées à faire.
Ecoute du chut.
Chut je ne parle plus, je n'écris plus mais je pense toujours au fond de moi aux gens que j'aime.
Chut...
17:08 | Lien permanent | Commentaires (0)