Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24/06/2019

Enterrement du bac actuel.

Ce soir, je voulais écrire un article sur la mort du bac actuel qui se fait dans une certaine indifférence...

Et pourtant, c'est bien la dernière fois que nos lycéens planchent 6 jours de suite sur des épreuves et ont la possibilité de passer des options.

Je ne suis à la base pas contre le changement mais alors là, la méthode est juste très contestable puisque cette réforme sort de la tête d'un seul homme, notre ministre.

Pas de concertation que ce soit des proviseurs, des profs, des syndicats, des gens de terrain et ....des lycéens eux-mêmes ! A l'ére du " nos jeunes doivent se montrer innovants, inventifs, créatifs " et bien on ne leur demande même pas ce qu'eux changeraient dans le système actuel....Et je vous assure qu'ils auraient des choses intéressantes à dire.

Il y a un décideur et des suiveurs obligés de suivre.

Car le nouveau bac, c'est 40% de contrôle continu ( et non cela n'aide pas les élèves moyens), ce sont des épreuves de bac dès la rentrée des vacances de printemps avec des sujets imposés alors que chaque lycée n'aura pas avancé de la même façon ( malheur à ceux qui auront eu un prof deux mois absents !)mais par contre pas d'échanges de copies entre lycées car difficile à organiser ( enfin ça c'est pour le moment...), c'est le choix de deux grosses options passées en juin ( sans savoir si la disparition des séries va vraiment aider ....disparition de la suprématie des sciences / maths....difficile à croire...qu'en sera-t-il de l'orientation parcours sup après selon les deux grosses options choisies ?), c'est la disparition des options et des points qu'elles apportaient ( ah on ne pourra plus dire à certains qu'ils ont eu le bac ou une mention grâce aux options...options qui demandaient bien de l'investissement pourtant et une ouverture sur le monde...) et c'est un grand oral coefficient 10 pour lequel à ce jour AUCUNE heure de programme n'est dédiée dans l'emploi du temps....( ben oui car un oral c'est inné...pourquoi y consacrer des heures de cours ???) Je défends l'oral et son apprentissage car nos jeunes y sont de plus en plus confrontés en recherche d'emploi et autres mais il faut y dédier des heures de cours, des vraies !

Bon bref, le bac meurt seul aujourd'hui, complètement oublié, sans public autre que les lycéens de cette session soulagés d'en avoir enfin terminé, c'est historique et tout le monde s'en fout car...........

Le brevet est reporté pour faute de canicule...

Etant concernée par la question, je n'épiloguerai pas sur la situation, juste dire qu'en tant que maman attentive, j'ai fait le job...essuyé les larmes de ma fille qui avait des trucs trop bien de prévu ce we...et qui retournera passer le brevet lundi et mardi....

J'aurai bien des choses à dire sur le sujet mais bon le brevet survivra à la canicule avec quelques réformes à venir bien sûr alors que le bac, celui là, est mort ce jour et pas à cause de la canicule.

Un nouveau bac oui, un bac décidé par un seul et dans la précipitation, non.

13/06/2019

Enchainement.

J'enchaine, j'enchaine, j'enchaine...

Plein de choses différentes...cela me demande une adaptation constante...

Au travail, j'enchaine les remplacements très divers les lundi et mardi plus mes décharges du jeudi et vendredi, du coup, je vis des situations scolaires très différentes, je rencontre des élèves et des collègues très différents également, je m'adapte au mieux.

J'ai obtenu mon mi-temps pour l'an prochain, joie !!! Je ne sais pas encore si je garderai mes deux écoles actuelles de décharge...

Dans le bénévolat, j'enchaine le démarrage du pilotage d'un comité de rédaction d'un projet associatif d'une association dijonnaise qui m'a contactée, je dois mener une réflexion et animer un groupe de travail, c'est assez stressant...tout cela en parallèle de la dernière ligne droite des validations de camps scouts de mon territoire ( une trentaine) et ce n'est pas de tout repos en terme de vérifications et d'échanges humains pas toujours très cordiaux quand nous sommes obligés de pointer des manquements....

En même temps, je fais partie d'une commission pour le rassemblement scout de cet été, un jamboree à 20000 jeunes pour lequel moi et mon mari sommes bénévoles dès le 18 juillet, c'est juste top mais du coup, échanges de mails et autres...notamment là, avec une amie bénévole, nous avons en charge la confection de banderoles de 400 fanions en tissu...nous avons déjà découpé tous les fanions ( récup de vieux tissus ) et accroché 100...il en reste juste 300 ahahha !

Sur le plan famille, j'enchaine le soutien moral à la petite dernière qui passe le brevet, cela parait anodin mais pas quand on a 14 ans...qui essuie les pleurs à la fin de l'épreuve d'oral ? C'est maman ! ( alors que je pense qu'elle a très bien réussi !) Il faut dire qu'elle aussi, enchaine examens de danse + collège + incertitude pour l'an prochain....Je corrige des lettres de motivation à gogo de ma grande fille qui postule sur plein de services civiques, je réponds aux questions de mes fils qui cherchent un logement sur Paris pour l'an prochain, qui pour l'un finalise son inscription en master ( il est pris sur celui qu'il souhaitait) et pour l'autre, cherche du travail pour l'an prochain à Paris, tout cela en parallèle de leur taf actuel sur Dijon pour l'un, dans les vignes pour l'autre.

J'organise aussi les futures vacances familiales...puisque nous partons avec mes parents et 4 oncles et tantes...plus deux copines de notre dernière fille...dans trois semaines on y sera et je coordonne tout cela, avec grand plaisir mais ça prend du temps !

Dans tout cela, peu de temps pour les amis et le repos et le calme, j'attends donc le 6 juillet avec impatience !

Je réussis quand même à enchainer de vrais bons moments comme les deux soirées anniversaires du cousin, mes deux soirées spectacle de danse, les deux soirées au festival de musique de la combe, une future soirée théâtre ou copines mais c'est vrai que cela s'enchaine avec des soirées de réunions et du coup, pas toujours simple.

Car il faut le dire, ce que j'enchainais facilement il y a 20 ans, 10 ans...et bien je l'enchaine moins bien aujourd'hui !!!

Ce qui a changé c'est sans doute le sens que je donne à ces enchainements.

Je sais pourquoi j'enchaine ces choses-là et vers quoi j'enchaine.

Je sais aussi mieux couper l'enchainement des choses si vraiment je le ressens comme essentiel.

J'enchaine des choix plus adaptés à ce que je souhaite mais cela n'empêche que je serai contente de me poser au bord de la mer et d'enchainer lecture, repos, apéro, sieste, détente !

06/06/2019

5 mois plus tard.

Il y a 5 mois hier, j'allais vivre une de mes soirées les plus difficiles de maman.

C'est pour cela que je choisis aujourd'hui de poster le témoignage écrit par l'un de mes fils car hier soir, lors d'une soirée familiale d'anniversaire, il m'a fait remarqué que c'était rare les étudiants qui validaient leur licence en 3 ans, sans changer de filière, sans redoubler ni même aller une seule fois aux rattrapages.

Oui c'est vrai mon fils...et je suis désolée de minimiser cette réussite. Mais cela fera l'objet d'un autre article, la dévalorisation des études universitaires.

Revenons à notre date anniversaire, celle de la garde vue mais pas exposée de mon point de vue.

A ce sujet, il y a celles et ceux qui ne savent pas et c'est très bien ainsi. ( la majorité de mes collègues, mes copines de mon groupe de danse, mes camarades de mon DU, les gens que je croise dans la vie du quotidien )

Il y a celles et ceux qui savent mais avec qui nous n'en avons jamais parlé, qui n'ont jamais posé de questions, envoyé de messages, pris de nouvelles particulières. Certains/nes ont fait des commentaires, des remarques quand je leur ai dit et pas toujours très agréables ou bienvenues mais depuis rien.

Il y a celles et ceux qui savent et avec qui nous en avons très peu reparlé, quelques messages écrits, quelques bribes à demi-mots et pas de narration exacte des faits, c'est fort dommage, parmi eux, des amis et des membres de la famille avec qui j'aurais souhaité pouvoir en parler.

Il y a celles et ceux qui savent et avec qui nous en avons parlé assez souvent depuis : 3 couples d'amis dont celui présent chez nous le soir du coup de fil du commissariat, une amie parisienne,une cousine proche,  nos parents. Certains événements font que l'on peut compter.

M.V, elle le sait, nous étions déjà proches, cette soirée restera ancrée dans notre amitié et aussi parce que depuis nous nous sommes confiés tant de choses au sujet de nos enfants.( et essuyé des larmes de l'une et l'autre)

A.L, elle le sait, quand la semaine suivante, elle m'a dit "bon tu viens boire un thé, on se pose et tu me racontes tout", une phrase tellement simple mais qui a permis de enfin raconter la vérité entre humour et bienveillance.

Je n'ai aucune rancoeur mais beaucoup de tristesse et surtout le constat de solitude que peuvent imposer des situations non choisies et pour lesquelles le jugement est facile. Moi la première je passe sans doute très souvent à côté de situations de souffrance chez mes amis ou ma famille mais c'est vrai qu'à l'époque des sms, je me serais attendue à des petits messages de pensées affectueuses, juste cela.

Il y a deux mois, mon fils, qui n'allait pas très bien, m'a demandé de relire et corriger les erreurs d'orthographe de son témoignage et m'a dit que je pouvais le faire lire à qui je voulais.

Pour le moment, mes parents, mon amie parisienne et mes deux amies citées plus haut l'ont lue et ma belle soeur qui à ce jour n'a fait aucun retour.

Mais comme dit mon fils, on n'attend rien en retour, un témoignage c'est juste fait pour témoigner.

Ai-je le droit d'écrire que je suis fière de cet écrit ? En tout cas je ne lui ai pas dit à lui, je lui ai juste dit que c'était bien d'avoir écrit et sorti cela de son mental.( je n'ai changé aucun mot juste corrigé l'orthographe)

Voici le très long témoignage, pour celles et ceux qui le liront jusqu'au bout, bravo et merci !

"Comment la garde à vue a changé ma vie.

Ce témoignage basé sur des faits réels a pour objectif de rendre compte d’un événement qui a changé ma vie. Il ne s’agit en aucun cas de réduire les violences physiques faites par les forces de l’ordre ou de les délégitimer par rapport aux violences psychologiques. Ces deux aspects sont différents et ne doivent pas être traités de la même manière sauf si raisons il y a. L’aspect de ce témoignage ne prend en compte que ma vision des choses et est très subjectif quant à ce que j’ai vécu. Il ne s’agit en aucun cas d’être le relais d’autres personnes car cela est impossible tant un événement comme celui-ci est vécu différemment selon les individus. Libre à vous de vous sentir concernés par mon vécu ou non.

Le mouvement des « gilets jaunes » débute le 17 novembre 2018. Je m’en souviens parfaitement, c’est un samedi tout à fait banal mise à part que des milliers de personnes vont se retrouver toute la journée dans la rue et sur les ronds points pour contester une loi voulue par le gouvernement concernant les frais d’essence. Etant habitué des manifestations sociales dijonnaises, et issu d’un cercle politique bien ancré à gauche, je suis comme la plupart de mes camarades, très sceptique quant à ce mouvement naissant. Preuve en est, je ne participe même pas à cette première manifestation qui fut pourtant la plus réussie sur Dijon réunissant presque 6000 personnes, du jamais vu depuis des années. Cependant, dès le début, ce mouvement m’intrigue. Issu des classes sociales populaires et réunissant des personnes via les réseaux sociaux, se retrouvant tous autour d’une bannière commune matérialisée par un gilet jaune, le mouvement a de quoi surprendre. Etant en 3ème année de licence d’Histoire et passionné par les mouvements sociaux, des trois glorieuses en passant par la commune de Paris jusqu’à la Loi Travail, je comprends rapidement que ce mouvement peut être différent des autres. J’ai cependant toujours beaucoup de mal à me retrouver dedans, tant les revendications sont variées et la présence potentielle de l’extrême droite dans les manifestations ne me donne que très peu envie d’y aller.

Cependant, le 24 novembre 2018, je vais à cette seconde manifestation du mouvement par pur hasard, mes occupations m’ayant mené au point de rendez-vous initial des « gilets jaunes » dijonnais. De plus, je suis intrigué par le futur déroulement de cette manifestation qui n’est pas déclarée, fait rare pour une manifestation dijonnaise. Quelle surprise lorsque je vois un cortège d’environ mille personnes, bloqué par les forces de l’ordre avant même que celui-ci ne prenne le départ de la place de la république. Il faut savoir que Dijon avant les « gilets jaunes » était une ville relativement calme en terme de manifestations. Le mouvement de la Loi Travail a certes été bien suivi et a durant un temps réussit à déambuler dans les rues du centre-ville, mais depuis, celui-ci restait inaccessible pendant les manifestations syndicales qui se faisaient un plaisir de le contourner. Ma surprise est alors double lorsque le cortège réussit à passer le cordon des forces de l’ordre, semant la pagaille au sein de leurs rangs. Je suis donc ce cortège qui se dirige vers le centre-ville comme un seul homme. Les premiers gazages ne tardent pas à arriver et ce goût de lacrymogène que je n’ai que jusqu’alors très peu connu se fait rapidement sentir. Mais imaginez-vous, vous manifestez depuis environ deux ans en étant présent à toutes les manifestations possibles dans votre ville sans que rien ne dérape, et la première fois que vous le faites, ce mouvement, dont vous ne soutenez pas certaines revendications, réussit à énerver les forces de l’ordre au point de gazer famille et enfants sans sommations. La suite de la journée n'est pas de tout repos, avec de multiples gazages, des tentatives de barricades, un sentiment d’adrénaline au plus haut point etc… Le bilan est alors très bon : les « gilets jaunes » ont réussi à faire en deux semaines ce qu’aucune autre manifestation n'a réussi à faire en plusieurs années : faire peur au gouvernement. De plus, les événements parisiens avec cette bataille des champs Elysées viennent redonner un second souffle à un espoir déjà naissant. Ce que nous venons de vivre est historique et nous ne le savons pas encore.

 

Cette volonté de comprendre le mouvement social naissant se fait ressentir la semaine suivante, le samedi 1er décembre. Par un heureux hasard, je suis à Paris avec mes amis pour faire la fête et se retrouver. Ni une ni deux, mon frère ainsi que trois ami.es et moi-même partons aux alentours de 10h30 direction les champs Elysées pour je cite « voir ce qu’il s’y passe ». Cette journée restera gravée dans ma mémoire pour plusieurs raisons. Tout d’abord, c'est la première fois de ma vie que je vois autant de personnes rassemblées dans un même but. Il y a énormément de monde sur les boulevards de la place de l’Etoile ce jour-là. C'est également la première fois que je suis spectateur d’une réelle émeute urbaine à base de barricades et de jets de projectiles. Ce jour-ci est aussi la première fois où j’ai réellement eu peur pour ma vie en manifestation. En effet, les gazages ne s’arrêtent jamais, les tirs de LBD secouent la foule, et que dire des grenades GLI-F4 dont leur bruit sourd et leur souffle me reviennent encore presque 5 mois après les évènements. Cette expérience n’a pas duré longtemps, au bout d’environ une heure, nous nous rendons bien compte que c’est beaucoup trop risqué de rester sur place vu la répression policière et sachant que nous ne sommes équipés que de quelques flacons de sérum physiologiques. Cependant, cette heure passée suffit à me rendre compte de ce que peut être la violence d’Etat. Entendre mon propre frère crier « Attention grenades !! » à un groupe de manifestants est une chose à laquelle je n’étais pas préparé. Cette journée est marquante pour mon appréhension des mouvement sociaux, et je retiens le fait que peu importe ce que tu fais sur place, tu t’en prends dans tous les sens. Les policiers qui nous ont gazés sans relâche pendant une heure, nous ne les avons jamais vus. Le pacifisme devient alors également un délit puisque les forces de l’ordre attaquent sans considération. Je comprends alors réellement que ce mouvement est en train de faire bouger les choses en France. C’est donc avec un mélange de fascination et de réticence que je ressors de mon expérience parisienne. Cependant, à tous ces sentiments se mêle une peur, peur développée par l’arsenal répressif de l’Etat, les forces de l’ordre. Les semaines suivantes sont assez calmes pour moi, je ne participe pas aux manifestations du samedi car je ne suis pas disponible, jusqu’à celle du 22 décembre 2018 où je vais seul à Dijon pour pouvoir analyser l’évolution du mouvement dont on annonçait déjà un essoufflement. Essoufflement qui se fait sentir, même si l’on peut attribuer la faute aux vacances scolaires qui débutent ce samedi. Quoiqu’il en soit, le mouvement est toujours intriguant et la manifestation finit toujours par un gazage massif de la part des forces de l’ordre pour disperser tout le monde.

Il me tarde d’être présent à l’acte suivant pour voir l’évolution du mouvement… Et l’acte suivant pour moi, c'est le samedi 5 janvier 2019.

 

Considéré comme beaucoup comme un retour en force après les deux semaines de vacances, cet acte promet de redonner un second souffle au mouvement. Le départ est habituel à Dijon, à la différence que les manifestants décident d’aller en direction du centre commercial régional pour s’essayer à un blocage. Une très bonne idée, qui n’a pas pris en compte le passage du cortège près de la caserne de gendarmerie dijonnaise, moment qui donne lieu à un face à face tendu avec les quelques gendarmes voulant prouver leur stature face à une foule beaucoup plus massive. L’incident est de courte durée mais chauffe les esprits dans les rangs des manifestants comme dans les rangs des forces de l’ordre. La suite s’apparente à une manifestation normale des « gilets jaunes » pour Dijon, retour en centre-ville, blocage de la gare, et retour devant les grilles mises en place rue de la préfecture pour y empêcher l’accès. Comme d’habitude, ce temps de face à face donne lieu à un gazage massif de la place de la république, cependant, ce gazage ne fait que repousser un groupe de manifestants dans lequel nous nous trouvons moi et mon frère. Ce groupe prend alors la décision de retourner dans le centre-ville en passant par les quartiers bourgeois de Dijon afin de contourner les forces de l’ordre. Cependant, celles-ci sont derrière nous et nous gazent dès qu’elles le peuvent. Un jeu du chat et de la souris se met en place entre nous et la police, en tentant bien évidemment de ralentir celle-ci par quelques poubelles allongées sur la chaussée. Plus le groupe avance et plus celui-ci est déterminé à continuer de par les gaz lacrymogènes qui nous tombent dessus sans cesse et qui ne nous laissent pas le temps de respirer. Vient le moment où les forces de l’ordre en ont marre et où elles décident de stopper net la déambulation de notre joyeux cortège.

C’est à ce moment précis que mon frère et moi décidons de quitter la manifestation, sentant que celle-ci est perdue d’avance. Cependant, c'est également le moment choisi par les forces de l’ordre pour gazer sans sommation tous les individus présents. Ce gazage intempestif faisant suite à tous les autres de la journée, nous sommes obligés mon frère et moi de reprendre notre souffle dans une ruelle adjacente avec environ trente autres personnes. C'est également la ruelle choisie par les forces de l’ordre pour nous nasser. Impossible de sortir de cette ruelle sans tomber sur un camion de police ou un groupe de crs. Après un dernier gazage par ces crs qui nous obligent à traverser le nuage malgré nos cris notifiant la présence de leurs collègues derrières et nos bras levés au ciel, nous nous retrouvons face à 30 policiers très énervés par toute leur après-midi de travail. Il est environ 17h30, les insultes à nos égards fusent : « bande de petits cons ! Fils de putes ! » les boucliers s’avancent et nous ordonnent de nous mettre à terre dans un coin de la ruelle. Une forte tension s’installe, nous sommes une petite vingtaine les mains sur la tête assis par terre entourés de trois camions de policiers. La tension monte d’un cran lorsque deux policiers se mettent à matraquer mon frère pourtant à terre sans réel motif apparent. Dans un sursaut voué à l’échec, je me lève en direction de ce matraquage pour tenter de protester et de comprendre, la vision de mon frère matraqué m’est horrible à voir. C’est également à ce moment que le crs à ma droite décide d’asséner le plus beau coup de pied de sa vie dans le visage d’une personne, à savoir moi.

Sonné par le coup, je tombe par terre et j’ai du mal à comprendre ce qui se passe. Mon frère se retrouve la tête au sol, matraque en appui dessus et moi je suis à moitié conscient de ce qu’il se passe réellement. On me donne à boire, je reprends mes esprits et l’ambiance retombe. Celle-ci se tend à nouveau lorsqu’un policier trouve quelques pétards sur le sol et demande si quelqu’un a un briquet pour en balancer deux-trois sur nous afin de « faire comprendre ce que ça fait » (oui oui on parle bien d’un lancer de pétards par les forces de l’ordre sur une foule pacifique et mains sur la tête). On comprend ensuite rapidement que l’on va avoir droit à un passage au poste, sans penser dans un premier temps à une garde à vue. Nous sommes menottés, embarqués et emmenés au poste par groupe de 4 environ. Mon frère part avant moi et je me retrouve donc seul avec des inconnus et ma douleur à la mâchoire se fait ressentir de plus en plus. En proie à des crises d’angoisses sur les derniers mois, je prie pour ne pas en faire une à cet instant précis.

L’arrivée au poste se fait aux alentours de 18h30, nous sommes dépouillés de nos affaires, je retrouve mon frère, juste le temps de définir qui prévient les parents et nous voilà devant une enquêtrice de la police judicaire qui notifie le début de notre garde à vue. Heureusement, nous savons quels droits nous avons dans ces conditions et nous demandons tous les deux de prévenir nos proches, d’avoir un avocat, je demande un médecin et je me charge d’avoir ma mère au téléphone pour lui annoncer la nouvelle. S’en suit un long temps d’attente où le geôlier est débordé car 20 personnes viennent d’arriver pour être mises en garde à vue, du jamais vu depuis très longtemps à Dijon. Par chance, je me retrouve dans la même cellule que mon frère (surpopulation carcérale oblige) et nous voilà à deux dans 4m2 pour une durée indéterminée. La situation peut paraître comique mais elle rend très vite nerveux. J’annonce aux alentours de 22h à mes parents que nous sommes en garde à vue, la question des partiels est alors directement remontée par ma mère qui demande de faire pression pour que nous puissions sortir avant lundi matin (début des partiels de janvier). Nous ne savons rien de ce qui va se passer, c’est l’inconnu total. Mon frère voit son avocate en premier, résultats peu concluants, je vois le mien ensuite avec de meilleurs résultats. Je ne reviendrai pas sur l’interrogatoire ou autre car je ne veux pas que ces propos soient retournés contre moi. La chose à retenir est qu’il fait froid car le chauffage ne fonctionne pas dans toutes les cellules, nous avons deux repas en l’espace de 20h ainsi qu’un seul verre d’eau. Enfin, le gardien nous fait comprendre que « les pauses pipi c’est pas toutes les 20 minutes » : seulement 2 en 20h de garde à vue. Nous ressortons le lendemain à 14h avec un simple rappel à la loi prévu pour le début février.

 

Sur le plan juridique nous nous en sortons bien. Sur le plan psychologique, la blessure est présente. En effet, je me retrouve marqué par une aventure à laquelle je n’étais pas du tout prêt psychologiquement. J’ai été victime de violences policières, et les 20h passées dans cette cellule m’ont fait me poser beaucoup de questions que j’avais trop peu évoquées auparavant. Mais pas le temps de trop tergiverser, je m’estime m’en être bien sorti et je me mets dans mes partiels qui arrivent à grand pas. J’ai la chance d’être soutenu par mes amis et mes parents qui cherchent à comprendre ce qu’il s’est passé sans pour autant juger mes actions. Ainsi, j’ai le sentiment que cette garde à vue n’a pas bouleversé ma vie et qu’elle reste un événement parmi tant d’autres. Mais mon inconscient n’est pas de cet avis.

Très rapidement, je fais des cauchemars où mes amis se font matraquer par la police et où celle-ci se retrouve au cœur de l’intrigue. Je me réveille la nuit en sueur avec parfois mal à la tête à l’endroit même où je me prends un coup de matraque dans mon cauchemar.

 

Cette peur inconsciente devient de plus en plus consciente dans mon esprit. Je mets envions 1 mois et demi à retourner en manifestation, mais j’éprouve encore plus aujourd’hui une peur de manifester. J’ai peur vis-à-vis des forces de l’ordre. Et cette peur ne cesse de grandir à cause des mesures répressives prises par l’Etat. J’ai peur de l’uniforme policier dans la rue et encore plus lorsque je retourne en manifestation. Cependant, cette peur n’est pas normale. Personne ne devrait avoir peur d’aller manifester son mécontentement dans la rue en 2019. Cette peur se manifeste aujourd’hui par ma non-participation au 1er mai à Paris, manifestation que j’aurais aimé faire de par sa symbolique. Mais cette peur est légitime, et elle a été construite par l’Etat lui-même. Je continuerai à manifester malgré celle-ci, comme je l’ai fait depuis ma garde à vue, même si cela n’est plus comme avant. Je ne laisserai pas l’Etat gagner parce que celui-ci m’a attrapé au début du mois de janvier sans raisons apparentes et m’a heurté à tout un système auquel je n’étais pas prêt. Mon engagement continuera et reprendra sous différentes formes. Il est cependant important de ne pas légitimer les situations comme la mienne. Mon expérience a touché en plein cœur ma famille, entre ceux qui ne comprennent par pourquoi c’est arrivé, ceux qui légitiment la violence d’Etat, ou ceux qui me défendent. Le plus compliqué dans cette aventure est de se retrouver dans une position de témoignage impossible. C’est en effet très compliqué d’en parler avec des inconnus sans passer pour quelqu’un qui se vante de son vécu. C’est également très compliqué d’aborder le sujet pendant un repas de famille car les avis sont tellement divergents qu’il faut prendre le risque de monter ses proches les uns contre les autres. Cette question du témoignage est pourtant essentielle. En parler avec les gens permet de ne pas s’enfermer dans sa propre vision de ce qu’il s’est passé. C’est cependant très compliqué d’entendre un proche ou un ami dire « oui et bien t’avais qu’à pas être là » quand tu cherches du réconfort et pas un affront.

 

Le fait est qu’il faut se rendre à l’évidence : mon arrestation est purement politique et a eu pour objectif de faire grossir un nombre déjà bien élevé sur le papier. Je suis maintenant fiché par les services de police et je n’ai « plus le droit à l’erreur ». Je manifeste avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, mais je manifeste encore. Parce que tous mes sentiments psychologiques peuvent me faire remettre en question mais ils n’enlèveront pas cette volonté de faire comprendre à la société qu’il est grand temps de changer le système.

Polo".

Polo, ton pseudo que moi seule sait ce qu'il signifie, je te souhaite d'être accepté dans le master recherche histoire contemporaine que tu souhaites à Paris Nanterre , tu as contacté un maitre de conférence pour faire un mémoire sur l'étude des mouvements sociaux du 20ème siècle en France, je ne sais pas où cela te mènera et sans doute entendras-tu que cela ne sert pas à grand chose de réfléchir à cela, mais je te souhaite , sans que tu le saches et que je ne te le dise, d'aller là où tu te sens en accord avec tes convictions et faire de ta vie ce que toi tu as envie d'en faire.Ce n'est pas facile à assumer en tant que parents et je ne suis pas toujours d'accord avec tes propos et tes actes mais c'est ta vie, différente de la mienne et cela, je le respecterai le plus possible.

Bravo pour cette licence et ta passion pour l'histoire.

J'essaie de ne pas avoir peur et de te soutenir du mieux possible même si je ne le montre pas toujours comme tu le souhaiterais.

5 Janvier 2019 / 5 Juin 2019. Avec tout mon amour maternel.