Témoignage du jeudi.

Je me dis que je vais tout écrire dans mon blog pendant que c'est chaud dans ma tête et comme cela, si la mère de Morgan porte vraiment plainte et ben j'aurai le déroulé en mémoire.

Donc ce matin, c'est jeudi...avec mes trois M mais là, on va s'intéresser à mon cas psy, Morgan.

Il y a 15 jours, pendant la séance de sport ( avec 28 élèves je le rappelle car je prends aussi les CM1 de ma collègue), Morgan ayant été vraiment pénible, je lui ai dit que je ne l'emmènerai pas à la prochaine séance à savoir ce jour. ( on y va tous les 15 jours) La semaine dernière, étant donné qu'il a été très difficile, insolent et provocateur, je lui ai rappelé sa punition et ce matin, quand il est arrivé à l'école, je lui ai rappelé calmement également car je ne voulais pas qu'il me prenne à partie au moment de partir en sport.

Là, ben matinée habituelle, il entre en classe avec sa casquette, je lui demande "Morgan s'il te plait va poser ta casquette au porte manteau", bien sûr il lève les yeux au ciel et ne le fait pas, seconde relance, là il me dit " et s'il te plait", là je lui répond que je lui ai dit s'il te plait, là il pose sa casquette à côté sur sa table, non lui dis-je, tu vas la mettre au porte manteau, ce qu'il fait en faisant des gestes de " tu me fais chier" mais bon je fais abstraction.

Ce matin, je donne le programme aux CM2 en leur disant qu'ils vont beaucoup écrire car je fais deux leçons nouvelles avec les CE2 et que cela les prépare à la 6ème, ils ont leur programme au tableau : 1 copie, beaucoup de conjugaison, deux pages de géométrie et 1 rallye lecture.

Bien évidemment, au bout de 60 minutes, si, si, Morgan n'a pas terminé la copie....il passe direct à la géométrie puis me demande au moment de la récré s'il peut faire son rallye lecture, là je lui dis que non, il a d'abord toute sa conjugaison à faire...récré puis retour de récré et il ne fait rien, pas une ligne de conjugaison, bref, je laisse passer.

Je pars donc en sport, une super séance. Je laisse Morgan à ma collègue de CE1-CM1 avec deux rallyes lecture à faire et il a une poésie en retard à recopier.

Nous revenons et même Sandrine, l'AVS de mon autiste me dit que cela fait vraiment du bien une séance de sport sans Morgan. C'est vrai, je n'aime pas exclure de cours mais là, il faut l'admettre cela a fait du bien.

Je termine ma journée avec les CP-CE1 en chorale, c'est cool.

16h30, je sors les élèves et je m'apprête à partir quand la mère de Morgan me tombe littéralement dessus.

Le genre armoire à glace ( je l'avais déjà vu une fois l'an passé en RV, à l'époque où j'essayai de mettre en place des choses pour Morgan), grosse voix, hélas, pauvre femme mais qui fait peur quand même.

Donc elle me hurle dessus qu'elle veut une lettre écrite expliquant que j'ai exclu son fils de sport,là je lui répond que j'ai le droit de punir de cours de sport sans me justifier auprès d'elle. et donc...en vrac...

Son fils me déteste, ne veut plus venir le jeudi, de toute façon je l'ai pris en grippe, elle va porter plainte, cela ne pas en rester là, je suis toujours sur lui, je ne le supporte pas, elle répète plusieurs fois que cela ne va pas en rester là.

Je tente quand même de me défendre un peu, lui expliquant que je ne punis quasiment jamais son fils alors que son attitude le mériterait, que oui je comprends qu'il ne me supporte plus car j'essaie de le faire travailler, que, que...bref ...

Là ma collègue de CE1-CM1 vient à ma rescousse, essaie de calmer le jeu...( notre cher directeur que je décharge est en réunion avec la psy scolaire pour un élève et ne voit absolument pas ce qui se passe et bien sûr personne ne va le chercher) mais rien à faire, la mère s'énerve, s'approche vraiment de moi, on sent qu'elle aimerait bien m'en coller une et qu'un bref instinct la retient...( et moi de me dire, aller vas-y colle moi en une et c'est moi qui porte plainte)

Je me permets quand même de demander à Morgan ce qui se passe, ce qu'il a dit à sa mère car je le vois les yeux bien contents de me voir me faire pourrir par sa mère mais sa mère intervient en disant de ne pas le mêler à cela, il ne savait pas qu'elle allait venir le chercher ce soir pour s'expliquer avec moi et de toute façon, elle me dit " je l'exclus de votre chorale car il s'en fout de chanter !" ok............

Il faut quand même dire qu'un papa d'élève attend à la grille pour parler à ma collègue, il observe tout sans intervenir non plus même si une fois la mère partie, il dit être atterré par ce qu'il vient de se passer....

Bon je passe les propos de la mère me disant qu'il fallait pas que je lui parle en la prenant de haut, que de toute façon elle va appeler l'inspection porter plainte car oui, elle connait une association contre le harcèlement...ah là quand elle a prononcé ce mot je n'ai pu m'empêcher d'être très ironique " ah oui c'est vrai je suis une grande harceleuse" et oui me dit-elle, ne le prenez pas comme cela, vous allez voir, vous allez voir....et elle se casse en trombe ! ( se casser est le mot adéquat, plus que partir)

Là, je monte quand même dire à mon directeur " heu la mère de Morgan est venue m'agresser, elle va porter plainte et moi je quitte à l'instant l'école", je pensais qu'il dirait à la psy et à la famille ( qui donc ont tous entendu ce que je viens de dire) "excusez- moi, je reviens" mais non....

Je discute cinq minutes avec ma collègue lui disant que peut-être il faudrait avertir l'inspecteur...bon elle va en parler au directeur et moi je rentre dans ma voiture.

Je ne sais même pas quel sentiment m'envahit, juste que vraiment je n'ai plus envie d'aller bosser le jeudi mais que faire ?

J'attends de voir si mon directeur va m'envoyer un mot, un message, un mail, un appel ou s'il va faire ce qu'il fait depuis des mois et qui plait beaucoup à Morgan, laisser courir, ne pas faire de vagues comme il dit, il reste trois mois.

Il y a des jours où on se dit qu'on s'est préservé en acceptant enfin de ne pas emmener un élève en sport alors que ce n'est pas dans mon tempérament de faire cela et puis voilà, ....le soufflet retombe...

J'avais besoin d'écrire tout cela.

Demain est un autre jour et surtout n'est pas un jeudi.

Et surtout, en rentrant ce soir, j'avais un message vocal de ma fille indienne, quel bien fou d'entendre sa voix et de se rappeler que l'essentiel est là.

Ca se vit.

Cela ne se raconte pas, cela se vit.

Mais je vais le raconter un peu quand même.

Hier soir, nous avons assisté à la soirée de restitution du projet Adonis, projet de master d'un étudiant sur le thème de l'inclusion des migrants par l'art, musique et photos.

Ceux qui m'ont suivi sur facebook à ce sujet peuvent avoir des informations complémentaires.

Ce fut une super soirée de partage.

Démarrage par un court métrage sur le thème des migrants puis échanges par groupe de 8 personnes pour faire connaissance et exposer son avis et son ressenti sur ce qui a été visionné. Tout cela suivi d'un temps collectif de partage des pensées de chaque groupe. Puis exposition photo, résultat d'un projet réaisé avec les migrants pris en charge à la Cimad de notre ville. Nous arpentons l'expo autour d'un buffet partagé, convivialité, discussions entre les uns et les autres, beaucoup de chaleur humaine entre tous.

Retour dans la grande salle pour la restitution des ateliers musicaux organisés par un animateur passionné de musique africaine et qui a donc animé un groupe de percussions uniquement composés de migrants et cela accompagnés par 3 étudiants de musicologie que le projet intéressait : un batteur, un guitariste et mon fils le saxophoniste.

Une restitution bluffante de musique rythmique !!!!

Et pour finir un concert d'un groupe Touareg qui nous a régalé de musiques exotiques pour lesquelles nous avons senti les migrants vibrer car cela leur évoquait complètement leur vie ! C'était chouette de les voir joyeux quand certaines notes de musique retentissaient et qu'ils reconnaissaient un air connu de chez eux, totalement inconnu pour nous ! Et là, ce fut la fête !Danse tous ensemble !!!!

Quel beau moment de partage.

J'ai discuté avec des migrants, des bénévoles d'associations, des organisateurs, des participants à la soirée.

Nous y étions en famille, avec nos enfants, mes parents.

Et cela ne se raconte pas, cela se vit...

Cela existe des moments de bien vivre ensemble malgré les différences.

Notre saxophoniste a pris un plaisir fou à jouer avec tous ces gens, c'était tellement chouette à voir, à entendre, à vivre !

Quitter les personnages.

Ce matin j'ai terminé le quatrième tome de L'amie prodigieuse d'Eléna Ferrante et depuis je suis triste de devoir quitter ces personnages auxquels je me suis attachée au cours des 2000 pages lues depuis un mois.

Moi quand je m'attache je m'attache que ce soit dans la vraie vie ou dans la vie imaginaire !

J'ai trainé pour lire les cent dernières pages, j'ai tout fait pour retarder le moment de lire la dernière ligne mais en même temps, j'ai dévoré les quatre livres !

Comme cela fait du bien de se laisser porter et envahir par une fresque romanesque !

J'aime les livres qui dépeignent la vie de personnages de leur enfance à leur vieillesse, je ne peux pas expliquer pourquoi mais j'aime suivre la vie entière des personnages de roman même si là, cela ne va pas jusqu'à la mort des héroïnes...

Bon bref, j'avais envie d'écrire cela.

Je ne suis pas douée pour quitter les gens, les réels et les fictifs, enfin ceux que j'aime bien sûr !

J'espère donc que le roman de ma vie me laissera le plus de temps possible auprès de ceux que j'aime et que je les quitterai une fois la dernière page atteinte au bon moment !